Hier soir Arte diffusait "Noir sur Blanc", un documentaire sur le racisme en Allemagne, suivi d'un débat avec Lilian Thuram .
Très révélateur de certaines mentalités et surtout très accablant, ce reportage réalisé par Pagonis Pagonakis et Susanne Jäger mettait en scène le journaliste allemand Günter Wallraff, l'auteur de cette investigation .
Glissé dans la peau d'un noir à l'aide d'une perruque crépue et d'un maquillage bluffant, Günter Wallraff s'infiltre dans son propre pays et fait face au racisme, à la haine, à l'ignorance, au dégoût, au rejet, au mépris, à la violence verbale... voire physique .
C'est donc dans un monde rempli préjugés que Günter va se ballader pendant un an, car pendant un an, il sillonnera l'Allemagne déguisé en "Kwami Ogonno" , un Somalien qui parle très bien l'allemand mais qui ne se verra pas traité comme un Allemand blanc .
Il est vrai que la meilleure méthode pour évoquer objectivement le racisme quand on ne sent pas
visé, c' est encore de le regarder de l'intérieur, pour mieux le ressentir et peut- être pour tenter d'expliquer l'inexplicable, mais là encore, des questions restent en suspens: En quoi la
couleur d'une peau détermine t-elle la gentillesse, le savoir-vivre, l'humanité, le droit de vivre à un endroit plutôt qu'à un autre ?
Parce que pendant les 6 mois qui suivront son infiltration , Günter Wallraff fera des cauchemars, des chauchemars liés à l'enfer qu'il aura vécu dans la peau d'un homme noir qu'il n'est pas :
Une bijoutière qui ne le laissera pas tenir une montre pour l'essayer, un bar qui n'ouvrira pas ses portes, un groupe de retraités qui accéléreront le pas lors d'une randonnée, des gens dans la rue qui se retournent, rigolent, l' insultent. Une femme qui refuse catégoriquement les "nègres" dans son immeuble, une policière qui le sauve dans un bus de 600 fans de foots ivres, des refus de discuter intelligemment... la liste est longue , mais peu significative comparée aux 82 minutes choquantes de ce reportage où peu de bonnes anecdotes en ressortent .
Aussi lui fera t-on la suggestion de quitter le pays: "Ce pays est fait pour les blancs" , "Va bosser mais pas ici" . On doutera notamment de ses capacités intellectuelles à lire un menu malgré une élocution allemande parfaite : "Peut-être qu'il ne sait pas lire ?"
On s'en prendra à l'essence-même de ses origines : "On ne veut pas de nègre" , "C'est une culture trop différente de la notre" , "Il était aussi noir que Will Smith", " Et puis ses cheveux...j'arrête pas d'y penser" .
Sans parler de la peur propre à l'ignorance : " Cueillir des mûres? Tu parles, il veut sûrement autre chose !"
D'où naissent les préjugés? Car aujourd'hui les cultures et les origines sont souvent associées à des préjugés. Un arabe ou un noir à la délinquance, un chinois à la bouffe pas nette, un juif à l'argent,....des préjugés qui traversent les générations là où il y à quelques décennies, les cités du 9-3 n'existaient pas. Et dans la vraie vie, des flics noirs en France il y en a plein , et les Chinois savent aussi manger les hamburgers dégueulasses des fast foods bien occidentaux .
Si les mentalités semblent avoir évolué, le racisme reste cependant une tumeur bien présente et Günter Wallraff nous plonge au coeur même du problème -un problème- qui n'existe pas seulement en Allemagne et qui ne concerne pas tous les blancs car tous les blancs ne sont pas racistes et le racisme ne vient pas seulement des blancs .
Hier soir, entre Harry Roselmack en immersion à la ferme et Günter Wallraff en immersion au coeur du racisme il y avait un monde, mais surtout il y a un grand pas, celui d'une fraternité humaine qui on l'espère, ne cessera de progresser ...
Retrouve "Noir sur Blanc" sur Arte (rediffusion) le 28 janvier à 10h50 ..."
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Et tous les "hommes de la semaine ici"
Bebarock