Lorsque la campagne de choc contre le harcèlement à l'école a débuté, je me suis dit qu'en dépit du point d'honneur que je tente (tant bien que mal) de mettre à dissocier blog et vie privée, il fallait sans doute que je vous fasse part de mon expérience :
Aujourd'hui avec les réseaux sociaux, le harcèlement à l'école semble bien pire, pourtant, au regard des spots, je me dis que les choses n'ont fondamentalement pas changé. D'où l'importance d'une certaine vigilance, et d'une proximité parents-enfants, parents-corps enseignant, et corps enseignant-élèves qui doit absolument évoluer. Je reste persuadée qu'avant, nos enseignants étaient plus sévères et moins laxistes, tout comme les parents d'ailleurs (oui je généralise encore et inutile de polémiquer là-dessus une fois de plus), mais le dialogue nul s'accompagne de souffrances, et la souffrance peut très mal finir. Pourquoi les élèves ont-il peur de parler, pire encore, pourquoi néglige-t-on leurs maux quand enfin, ils y mettent des mots ?
Dis-moi qui sont tes parents, je te dirai si tu morfleras...
Fille de flic je n'ai par définition eu aucun répit de la 6ème à la 1ère. Tout un collège qui se rue sur vous parce que votre père a confisqué le scooter d'une "grosse tête" sans casque, parce qu'il fait partie de ceux qui castagnent pendant les manifs, ou se faire cracher dessus parce qu'il vient vous chercher en uniforme, c'est traumatisant à vie, et c'est avoir peur du monde extérieur pendant longtemps, voire plus... Souvent, les élèves sont assez observateurs des parents de leurs camarades, mais nous parents, sommes-nous suffisamment observateurs, au delà des carnets de notes et des sacs à dos de nos enfants ?
Pourquoi souvent, les élèves harcelés se taisent
Bien moi je n'ai rien dit. Parce qu'en plus de me faire démonter la tronche à l'école, je me faisais déboîter la mâchoire à la maison... Aucun sentiment de sécurité, nulle part, et j'aurais très bien pu en parler aux professionnels des établissements scolaires mais jamais ceux-ci n'avaient évoqué le sujet, dans aucune classe, pourtant, j'étais loin d'être la seule dans le cas. Seulement voilà, être celle qui ouvre la brèche, c'est aussi accepter d'être celle par qui les sanctions tombent...
Le sexe à l'école
Ils étaient trois derrière moi à la sortie du lycée. Visiblement pas tous potes. Deux d'entre eux raillaient ma tenue vestimentaire : " C'est quoi cette jupe pourrie ? Attends on va te l'enlever". L'un d'eux a baissé ma jupe, l'autre éclata de rire, et le troisième m'a pris la main pour me dire : " Ne t'inquiète pas je suis là, ils ne te feront plus rien" . Ce fut mon meilleur pote du lycée, pas très recommandable... mais super pote. A côté de la scène accablante il y avait quelques adultes, mais aucun d'eux n'avait réagi...
Me bloquer dans les cages escaliers, chercher à regarder sous ma jupe, me demander si je porte un soutif bleu ou vert, ce sont des choses bien trop communes entre les élèves, désolée, pour être ignorées... Et si je n'ai jamais cédé à quelque chantage sexuel que ce soit, il aurait sans doute fallu que je sois une élève parfaite, sans zéros, sans bavardages en classe, et sans reproches, pour que je ne puisse jamais craindre les chantages d'une part, et les réactions des adultes de l'autre...
L'issue fatale ?
Pauline 12 ans, élève du collège Jean Jaurès de Lens s'est donnée la mort avec le fusil de chasse de son père le 3 janvier dernier... Moi aussi j'y ai pensé, à prendre le flingue de mon père pour en finir une fois pour toutes, jusqu'au jour où j'ai remarqué que l'unique façon de m'en sortir, était de me lier au bourreaux. Et ça m'a pris en 1ère : une baffe à un camarade en plein cour et j'étais devenue une star. C'est con cet instinct de survie que je ne recommande absolument pas mais voilà, ce fut comme ça. Exit la fille de flic et bonjour la racaille...
De raillée, je suis peu à peu devenue celle qui se moquait impunément. Celle qui se cachait au fond de la classe pour faire des conneries avait remplacé celle qui se cachait tout court, celle qui faisait gaffe à ses fréquentations était devenue l'une des plus grosses têtes à craindre du lycée, car accompagnée de petits trafiquants, de voleurs, et de fouteurs de merdes. Jamais je ne m'étais sentie autant respectée, et en sécurité... Sentie seulement... Heureusement pour moi, cette tournure s'acheva en même temps que ma scolarité au lycée... sinon je ne serais peut-être pas là aujourd'hui pour vous en parler...
http://www.agircontreleharcelementalecole.gouv.fr/
Bebarock